Les rituels d’initiation font appel au traumatisme qui possèdent un certain nombre de fonctions étrangères aux conceptualisations habituelles en Occident : « Ces notions pourraient s’articuler autour d’une logique de discontinuité s’opposant à la conception psychanalytique de la psyché selon une perspective génétique, égalitariste et continue »
Alors que le développement de l’individu est considéré, en Occident, comme lent et progressif, les sociétés traditionnelles le conçoivent en terme de discontinuité.
Dans ce cadre, le sujet traverse des étapes de modifications radicales qui sont matérialisées par les rituels d’initiation. Ces rites sont culturellement codifiés et s’appliquent principalement aux adolescents pour lesquels il va s’agir de changer de statut et de catégorie sociale.
Il va donc être question de la transformation d’un sujet, de la fabrication d’un nouvel « être ». Les rites initiatiques utilisent la frayeur, les douleurs physique et psychique ou encore l’absurdité logique, et ils vont s’agencer comme une organisation délibérée de traumatisme psychique. Il est possible de distinguer trois formes de traumatisme auxquelles ce type d’entreprise de modification a nécessairement recours :
– afflux pulsionnel non élaborable, et non susceptible d’être refoulé, du fait de l’absence d’angoisse au moment de sa survenue
– double-bind (double contrainte)
– perte du cadre culturel interne
La « logique traumatique » de ces rites vise donc à la transformation de l’identité, de la nature du sujet en produisant de l’identique: le sujet initié devra être similaire à son aîné. Le nouvel être devra être affilié à son groupe d’appartenance, l’identité du sujet sera ainsi restituée au groupe et cela entraînera un enrichissement et un renforcement du groupe social.
Exemple: peuple Sénoufo qui vit sur un territoire couvrant une partie de la Côte d’Ivoire, du Burkina Faso et du Mali.
L’objectif de cette initiation réside dans le fait de couper « les jeunes sénoufos » de leurs attachements initiaux pour les ré-affilier, à partir de nombreux rites, à un nouveau groupe d’appartenance, celui des jeunes hommes Sénoufos devenus alors candidats potentiels au mariage. La nature des rites est difficile à connaître tant le secret fait partie entière du processus. Selon certains témoignages, ceux- ci usent du traumatisme (violence, incohérences logiques, paradoxes, etc.) comme d’un levier pour transformer un individu, le métamorphoser, en prenant soin de l’inscrire dans un groupe susceptible de l’accueillir.
Le traumatisme est considéré ici comme un agent d’affiliation. Une fois que l’individu a été traumatisé, autrement dit « extrait » de son enveloppe, il n’a guère d’autre issue que celle de l’affiliation qui va permettre « la réparation ».